On ne peut se défendre d'une sorte de vertige en abordant les onze énormes volumes de Seville et l'Atlantique, en pensant surtout que ces quelque 7 260 pages sont l'œuvre d'un jeune couple qui n'a pas encore atteint la quarantaine.

Cette publication gigantesque répond à des desseins dont l'ambition a, elle aussi, quelque chose d'un peu effrayant. Il ne s'agit de rien moins, en effet, que « de retrouver, dans l'économie et dans l'espace économique de l'Atlantique espagnol et hispano-américain des XVIe et xvne siècles, les quatre fluctuations fondamentales reconnues, analysées, étudiées par les économistes contemporains dans les économies postérieures à la révolution industrielle : trend séculaire, mouvements interdécennaux, fluctuation décennale et même ce fameux cycle de 3 ans et demi, l'ancêtre, sans doute de cette fluctuation que beaucoup d'économistes considèrent maintenant comme la plus importante ».

On reconnaît, bien sûr, à ce langage l'enseignement des maîtres : celui de François Simiand et d'Ernest Labrousse, celui aussi, à certains égards plus nuancé, de Lucien Febvre et de Fernand Braudel. Pourtant, la tentative de M. et Mnie Chaunu dépasse, de très loin, par sa hardiesse et son ampleur, tout ce qui a été fait jusqu'ici dans ce domaine.

Pierre Chaunu, né le 17 août 1923 à Belleville-sur-Meuse, dans la Meuse, en Lorraine, et mort à Caen le 22 octobre 20091, est un historien français, spécialiste de l'Amérique espagnole et de l’histoire sociale et religieuse de la France de l'Ancien Régime (xvie, xviie et xviiie siècles). Grande figure française de l'histoire quantitative et sérielle, cet agrégé d'histoire et docteur ès lettres a été professeur émérite à Paris IV-Sorbonne, membre de l'Institut et commandeur de la Légion d'honneur. Protestant, il a défendu des positions conservatrices, notamment dans une chronique qu'il a longtemps tenue pour Le Figaro et à l'antenne de Radio Courtoisie.